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Articles

Chronique 25, 27 mai 2022

Le vent souffle où il veut ; tu entends sa voix mais tu ne sais ni d’où il vient, ni où il va.  Ev. de Jean   Je proposais une pratique antique : celle du livre-oracle. On se penche les yeux fermés sur la somme de livres posée au sol, on avance sa main comme un bâton de sourcier au-dessus des livres et on en saisit un. Ce qu’on saisira n’en finira pas de nous échapper, c’est pour cela qu’on est rassemblés ici ensemble. On se recueille autour de ce qui nous échappe. « La chasse aux papillons », nom du parfum que j’ai essayé récemment - dont je préfère la description à l’odeur-  « Des brassées de fleurs blanches inondées de soleil, un jour d’été. »  aurait pu être l’invitation lancée pour l’atelier : La chasse aux papillons-poèmes.  27 mai 2022, 9 heures 30, troisième Printemps. Le livre qui me saisit yeux fermés, j’avais failli l’acheter deux jours plus tôt chez Fabrice  Au plaisir du texte . Ce recueil de la collection blanche de Gallimard titré  Poésies   1946-1967  n’avait pas emball
Articles récents

Chronique 24, 12 décembre 2020

Que reste-t-il de ce qu’on lit de nos amours ? Je me souviens avoir emprunté les derniers mots d’une autre pour te parler :  « C’est ainsi que vous vous tenez face à moi, dans la douceur, dans une provocation constante, innocente, impénétrable. » [1]  Désir de sortir ce livre de la bibliothèque, désir de sortir cet amour de la bibliothèque, l’exposer à l’air frais d’une chambre dont la fenêtre serait ouverte. A la fin du  Voyageur chérubinique [2] , la conclusion dit : «  Deviens toi-même le livre et l’essence. »  Devient le chant, la pluie après l’attente, feu qui coule, chant feu qui coule. Sors de ce corps, sors de ce livre, regarde dans le noir où l’on voit mieux paraît-il. Que reste-t-il de ce qu’on lit de nos amours ? A la fin de la lumière le tunnel à l’abris de la pluie le soleil de tes mots : la présence. Les transformations sont silencieuses. Tu ne me vois pas mais je suis partout où la conclusion dit  « Deviens toi-même le livre et l’essence » . Sors de ce corps, sors de ce

Chronique 23, 15 novembre 2020

     Rêve, nuit du 14 au 15 novembre. Je feuilletais le grand livre du  livre de la vie , image ne me quittant plus depuis que je l’ai découverte dans le texte de l’Apocalypse au verset suivant :  « On ouvrit des livres, puis un autre encore : le livre de la vie. » (Apocalypse 20, 1, 16)  Ce texte est un peu plus loin de moi maintenant qu’il y a quelques mois mais c’est une distance seulement géographique, comme avec les êtres que l’on aime, et qui vivent en nous : nulle séparation dans l’invisible mais grande peuplade inter-pénétrante, les rêves nous le révèlent bien : ce sont les formes et les couleurs qui changent, les formes et les couleurs, seulement. Et qu’est-ce que c’est que cette peur de  vivre dans les livres  ? Ne sommes-nous pas constamment en train de  vivre des histoires  ? De nous en raconter ? Et par là même, de trouver le sens de notre vie ou son absurdité ? Par cette faculté fabulatrice ? En revisitant les mythes à la lumière de nos expériences ? N’est-ce pas là notre

Chronique 22, lundi 12 octobre 2020

« Voici que je fais toutes choses nouvelles ».  Il n’y a rien à inventer, tout est à lire. Mon livre de chair s’ouvre et je dessine dans le noir. Le texte de  L’Apocalypse  est près de moi depuis que l’ange a sonné de la trompette et m’a mis ce texte entre les mains.  « Heureux celui qui lit, heureux ceux qui écoutent les paroles de la prophétie et gardent ce qui est écrit en elle, car le temps est proche. »  Le temps est Maintenant pour celui qui découvre l’éternel dans l’instant. Passé, présent et futur se confondent dans la brèche qu’ouvre mon corps vers l’au-delà des mots : le silence, cette source.  Que chaque parole que je prononce transforme le cours des choses ou ne soit pas.  « On ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve ».  Que le temps soit vivant, toutes fois pour toutes.  Je veux danser le livre de la vie commençant par une chute et avec le Verbe, recouvrir ma  verticalité . J’ai écrit ce mot dans ma main et je t’ai montré l’intérieur de ma paume quand ce mot est arr

Chronique 21, 24 septembre 2020

Fabrice répondait à un coup de téléphone, pendant ce temps-là je regardais du côté des  Filles du feu  de Nerval et de  Rimbaud le fils  de Michon… A la fin de l’appel, il me dit « Viens voir » : à ses pieds une pile de livres est tombée et a découvert  La chute  de Camus. Je ne savais justement pas quel livre attraper pour apporter ma contribution à la constellation de livres de l’atelier de lecture, de danse et d’écriture que je donnerais le lendemain. J’attendais une évidence, j’attendais d’être lue. C’était tout choisi à cet instant-là où la vie donnait son premier et son dernier mot dans un coup de dés qui n’abolira jamais… Au cours de cette après-midi pluvieuse à l’abri que j’étais dans la librairie « Le plaisir du texte ». J’ai lu ce livre il y a longtemps, adolescente, je ne me souviens que de l’endroit où je l’ai lu d’une seule traite sur un stade d’une ville qui m’ennuyait, moi, impatiente d’absolu. J’attendais le dernier bus du ramassage scolaire, je m’étais sans doute un pe

Billet d'été -3- de lectures dansées, 26 août 2020

J’aime la sonorité du mot  passage…  En particulier pour qualifier l’extrait d’un livre que l’on choisit de lire à haute voix ou de recopier pour soi ou pour quelqu’un. En lisant le récit de la vie de l’artiste Mina Loy (1882-1966),  Mina Loy, éperdument  de Matthieu Terence (digne d’un très bon roman d’aventures), j’ai découvert une façon qui me plaît beaucoup beaucoup de nommer ces mystérieux objets que sont les livres comme elle le faisait elle-même en parlant de  petites portes ouvertes sur l’infini . Choisir un passage prend une toute autre dimension dans cette conscience-là. Comment me suis-je retrouvée à lire la vie de cette femme ? Par un beau tour dans le labyrinthe encore ! Et cette fois dans celui des relations amoureuses. Echangeant avec fougue avec mon amie Sophie sur la philosophe et psychanalyste Anne Dufourmantelle, auteur notamment de l ’Eloge du risque  et décédée en 2017 en sauvant des enfants de la noyade, je fais le lien entre elle et Frédéric Boyer, écrivain, trad

Billet d'été -2- de lectures dansées, 14 juillet 2020

J’aime lire les dernières phrases d’un roman pour savoir. Pas pour savoir la fin, pour la VOIR. C’est pictural, c’est  une aventure de lignes  pour laquelle je veux embarquer. Quelque chose d’immédiat tout sauf linéaire  « à gauche, aussi, à droite, en profondeur, à volonté. Pas de trajets, mille trajets… »  ce que Michaux est allé chercher dans la peinture car il trouvait les livres ennuyeux avec leur route à sens unique, tracée à l’avance pour le lecteur. J’aime lire les dernières phrases d’un roman avant de prendre mon billet, c’est ce que je disais à Fabrice au fond de la librairie mal éclairée en ayant peine à discerner les derniers mots du  Palais de glace  de Tarjei Vessas que j’hésitais encore, plus pour longtemps, à emporter. Aux derniers mots on VOIT très bien si tout est construit sur une histoire dont la fin est une vraie fin ou si le livre se fait le relai du silence, de l’amour, d’un  voyage infini  où les formes, les couleurs et les lumières font tout.  Sacha Steure