J’aime la sonorité du mot passage… En particulier pour qualifier l’extrait d’un livre que l’on choisit de lire à haute voix ou de recopier pour soi ou pour quelqu’un. En lisant le récit de la vie de l’artiste Mina Loy (1882-1966), Mina Loy, éperdument de Matthieu Terence (digne d’un très bon roman d’aventures), j’ai découvert une façon qui me plaît beaucoup beaucoup de nommer ces mystérieux objets que sont les livres comme elle le faisait elle-même en parlant de petites portes ouvertes sur l’infini. Choisir un passage prend une toute autre dimension dans cette conscience-là. Comment me suis-je retrouvée à lire la vie de cette femme ? Par un beau tour dans le labyrinthe encore ! Et cette fois dans celui des relations amoureuses. Echangeant avec fougue avec mon amie Sophie sur la philosophe et psychanalyste Anne Dufourmantelle, auteur notamment de l’Eloge du risque et décédée en 2017 en sauvant des enfants de la noyade, je fais le lien entre elle et Frédéric Boyer, écrivain, traducteur qui était son compagnon et qui a écrit Là où le cœur attend un très beau livre sur l’espérance au sortir de la dépression qui a suivi la mort de sa compagne. Mina Loy, éperdument a été écrit après la mort d’Anne Dufourmantelle par son amant me dit Sophie. A la mémoire de la femme indépendante, libre qui enjoignait ses patients et ses lecteurs à surmonter chaque peur au nom de la vie, de grandes résonnances avec la vie d’aventures de l’artiste anglaise dont son amant à elle, le poète et boxeur Arthur Cravan, était disparu en mer également… Pour trouver une définition de l’espérance j’ouvre le livre (il m’attendait) là où je l’avais laissé avant le pèlerinage estival à Vézelay, je lis : « Dans l’ancienne tradition hébraïque, l’espérance naît avec la remémoration de l’exil et la figuration de ce qui nous manque comme bien à attendre et non plus seulement perdu. Ce que nous avons perdu, ce qui nous manque, est placé devant nous (…) Espérer c’est déjà rendre grâces ! » Que l’infini s’ouvre par ici !
Sacha Steurer
Mathieu Terence, Mina Loy, éperdument, Grasset, 2017
Anne Dufourmantelle, L’éloge du risque, Rivages poche, 2011
Frédéric Boyer, Là où le cœur attend, P.O.L, 2017
Petites portes ouvertes sur l’infini... quelle trouvaille ! Et le son de "passage" en effet si mélodieux. Il y a le bruit du vent qui siffle. A la lecture de ce billet je me déplace, le moindre déplacement est l'orée d'une danse. Ainsi nous danserons toujours.
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