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Chronique 20, 15 juin 2020

Au fur et à mesure que des signes apparaissent ce n’est pas que mon reflet s’efface tout à fait mais je ne le vois plus : Je plonge avec la part silencieuse des mots et je m’ entrevois seulement si je perds le contact avec l’invisible « …l’ espace entre celui qui voit et ce qui est vu, cet espace est lumière… l’espace entre celui qui pense et ce qui est pensé, cet espace est silence. »[1]Noté cette phrase avant le coucher sur le cahier en préparant mon rendez-vous avec E. de ce matin. Rêvé de chutes de corps à l’infini comme sur cette carte du Tarot de Marseille : Maison-Dieu. Envoyé hier à S. qui cherche une maison depuis des années deux vers du Psaume 26 : « Je n’adresse au Seigneur qu’une seule demande, je la répète sans cesse : c’est d’habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie … » Depuis ce matin dans ma maison j’écoute les Métamorphoses de Philippe Glass et je me demande sur quel principe musical ont-elles-été créés ? J’aimerais que quelqu’un me dise… Livre à toi… Sacha…Avez-vous déjà remarqué la simple force d’être nommé par son prénom par un Autre d’une voix pleine et ample ? Ici je parle ouvert vers l’infini : Ovide n’est pas loin, Musil non plus je les entends se rapprocher dans le labyrinthe je touche à quelque chose de l' indifférence mais ce n’est pas celle morbide (quoique sublime) d’Un homme qui dort[2] mais celle de l’oiseau quand par moments je trouve l’équilivre. Pendant notre rendez-vous avec E. au moment précis où elle a employé le mot « résonner », c’était écrit entre mes doigts de l’ auteur de la rose qui est sans pourquoi : « On entend dans le silence. La Parole résonne en toi plus que dans la bouche des autres ; si tu peux te taire pour elle, à l’instant même tu l’entends. »[3]Tu l’entends cette voix qui ose se prononcer sans craindre de ne pas être aimée qui dit « Tout arrive… La suprême illusion de l’homme est de croire qu’il peut faire… mais aucun homme ne vous croira jamais, si vous lui dites qu’il ne peut rien faire. »[4] C’est le premier livre qui est tombé ce matin, les livres renaissent aussi quand ils tombent sous des mains. Fragments d’un enseignement inconnu sert maintenant de marque-page à Ma vie d’Isadora Duncan à la page où elle décrit la construction de son école de danse comme lieu d’initiation aux « secrets des choses ». Les deux livres s’ emboitent sur le sol comme des amants passionnés de passage participant à la Vie secrète[5] qui dérange mais fait sourire les Anges. 

Sacha Steurer










[1] Jean Yves Leloup, L’évidence de l’invisible, anamnèse essentielle, Actes sud, 2018 
[2] Georges Perec, Un homme qui dort, Denoël, 1967 
[3] Angelus Silesius, Le voyageur chérubinique, Editions Rivages poche, 2004 (écrit mystique du 17ème siècle) 

[4] Ouspensky, Fragments d’un enseignement inconnu, Stock. Récit de huit années de travail passées par Ouspensky auprès de Gurdjieff. 

[5] Titre d’un livre de Pascal Quignard, publié chez Gallimard, 1998 

Commentaires

  1. C'est toujours très agréable de voyager en une danse dans cette écriture singulière que tu nous proposes.

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