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Chronique 14 du 14 février 2020

Chronique écrite debout, en musique et sans rien effacer dans ma cuisine sous les toits. Chronique numéro 14 tapée le 14 février nécessite quelques changements de paramètres d’écriture. Comme une danse, donner une durée : 40 minutes, deux fois l’écoute de Terry Riley Reed streams. Sur cette table de cuisine, outre un reste de thé froid dans un bol, du miel, un couteau, des allumettes, un grille-pain, livres au nombre de 5. Respect de l’enseignement de Deborah Hay, chorégraphe américaine ici présente à travers son livre Mon corps, ce bouddhiste consistant à considérer que tout est là, qu’il n’y aurait qu’à lire. Mémoire de Master d’études chorégraphiques écrit sur les liens entre cette grande dame et Georges Perec, un mémoire intitulé : Lire l’espace. Claquements de doigts en musique. Présence de Bashô, Seigneur ermite. Cette semaine, je me suis demandée si Emily Dickinson n’avait pas lu quelques haïkus – peu probable d’après ce que l’on sait. Côté Orient, nous avons encore François Cheng, Cinq méditations sur la beauté. En recopiant ce matin des passages de la seconde méditation, j’avais l’impression de prendre une vraie leçon de sagesse avec un maitre. La beauté définie comme élan, désir, la beauté s’absorbant dans la beauté – critère ultime selon Cheng : elle va dans le sens de la Voie, elle respecte le principe de vie, du vivant - exclut toute utilisation d’elle-même comme outil de tromperie ou de domination. Autre enseignement de Deborah Hay « Mon corps est le professeur ». Relèvement des doigts au-dessus des lettres de l’ordinateur pour reprendre le souffle – mains tournés vers le ciel dans un geste d’accueil, hochement de la tête de la droite vers la gauche en rythme, pieds joints. « Respirer, toi poème invisible… » me vient ce premier vers d’un sonnet à Orphée de Rilke ici présent à travers son recueil Vergers. Hâte de lire ces poèmes sur les roses. Hâte d’écrire mes propres poèmes sur les roses. Reste 14 minutes. Le dernier livre présent que je n’ai pas encore cité est un livre de Michaux dont je fais la vraie rencontre pour la première fois ces derniers jours. Phénomène de rencontre avec les écrivains très proche de ce que l’on vit avec les êtres autours de nous. Il y a certaines personnes que l’on fréquente très longtemps sans les rencontrer réellement. C’était ce que je vivais avec Michaux. Quelle chance j’ai eu cette semaine de trouver chez mon ami libraire Fabrice (Le Plaisir du Texte, 1 rue Roger Violi, Lyon 1er) exactement ce que je cherchais : Jours de silence. Une suite de poèmes écrits dans un état d’ascèse physique. Poèmes écrits sur le principe d’une suite de mouvements : glissement, frémissement, séparation, réparation, moutonnement, détachement, ouverture… C’est la relecture de certains passages de la thèse passionnante d’Alice Godfroy prendre corps et langue, étude pour une dansité de l’écriture poétique qui m’a mené à chercher ce texte rare. Trouvé dans une édition Gallimard dont le titre du recueil est Chemins cherchés Chemins perdus Transgressions. Reste 25 secondes. 

Sacha Steurer

Livres cités 

Deborah Hay, Mon corps, ce bouddhiste, Presses du réel. 
L’intégrale des haïkus de Bashô, Seigneur ermite, Editions Points, 2012
François Cheng, Cinq méditations sur la beauté, Editions Albin Michel, 2006 
Rainer Maria Rilke, Vergers, Editions Gallimard, 1978 
Henri Michaux, Chemins cherchés Chemins perdus Transgressions, Editions Gallimard, 1981
Alice Godfroy, Prendre corps et langue / étude pour une dansité de l’écriture chorégraphique, Ganse Arts et Lettres, 2015


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