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Chronique 10, jeudi 9 janvier 2019

Les livres sont des présences, comme le Temps, comme l’Espace, comme tous les objets qui m’entourent, et l’air, l’eau, le feu, la terre. Autant dire que je ne suis pas seule quand je suis seule. Il y a un livre près de moi, ouvert sur le sol, ouvert à la page où j’ai cessé de le lire. J’utilise cette technique quand je n’ai pas de marque-page ou de bout de papier à ma disposition. Son titre laisse songeur : l’évidence de l’invisible, anamnèse essentielle. Je le retourne pour voir à quelle page je m’étais arrêtée. Cette question arrive, sous mes yeux, à l’instant, je vous la soumets aussi : « Qui est « là » ? » Quelque chose de l’ordre de la foi est arrivé dans ma vie quand j’ai senti ça : Quand je suis seule, je ne le suis pas. Je reprends le tout début du livre au sujet de l’anamnèse dont l’origine du mot est grecque et signifie remémoration : « Pour les thérapeutes d’Alexandrie, l’anamnèse essentielle est la remémoration incessante à travers une attention, une respiration, une invocation, de la présence de l’Infini (Vie-Conscience-Amour). » 
Le 4 janvier, mon bonheur s’appelait mimosa. Le premier de l’année. J’ai descendu les grands escaliers des pentes avec mon caddie coquelicot et les bouquets jaunes débordant du caddie… Mon attention s’est arrêtée sur un homme qui était en train de photographier avec son téléphone portable deux phrases collées sur un mur. Je m’approche pour lire. Première phrase : « Il n’y a pas de hasard, suivez votre intuition ». Seconde : « Peu importe le chemin, c’est ta volonté d’y arriver qui compte ». On ne peut pas dire que ce soit de la grande littérature, j’en conviens, mais c’est l’échange qui a suivi avec cet inconnu qui m’importe. L’échange provenant d’une lecture de signes commune. Une très grande profondeur d’échange en 3 minutes chrono de conversation. Cet homme me signifie que c’est la seconde phrase qui le marque. Premiers jours de l’année, j’enchaîne en lui demandant ce qu’il espère pour cette année. Il me répond qu’il aimerait simplement se sentir bien dans sa peau et me renvoie la question… Je lui dis que j’aimerais vivre comme une fleur qui s’abandonne à la vie. Il faut dire que je suis influencée par une découverte très intense : les maximes spirituelles d’Angelus Silesius, mystique rhénan du 17ème siècle. Pour lui, dignité, amour, beauté, tout provient de la Lumière. Voici la maxime qui a fortement influencé mon vœu 2020. 

« 288. La beauté qui s’abandonne 

Hommes, apprenez donc des petites fleurs des prés
Comment vous pouvez plaire à Dieu et être beaux
En même temps *
Car elles ne sont pas préoccupées de leur beauté. » 

            
Sacha Steurer

Livres cités 

Jean-Yves Leloup, L’évidence de l’invisible, anamnèse essentielle, Editions Actes Sud, 2018 
Angelus Silesius, Le voyageur chérubinique, Editions Rivages poche, écrits du milieu du 17ème siècle. 


L'atelier, le 4 janvier - Mimosa - 

Commentaires

  1. Merci pour ce bout de ravivage de vie et de regard qui s ouvre - c est doux et poétique - des immenses baisers grands prêtresse

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  2. Belle année à toi, petite soeur...

    " je vais chercher mon pain, mes nuages et mes étoiles dans l'unique librairie du Creusot. L'acacia au bas de la rue du Guide surgit comme un donateur fou. Son haleine sent le miel et l'or.
    Toutes les fleurs se ruent vers nous en nous léguant de leur vivant leur couleur et leur innocence.
    Les contempler mène à la vie parfaite. " Christian Bobin, "un assassin blanc comme neige"

    Claire

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